Résumé : En tant qu’ancienne colonie française, la région francophone du Maghreb (Algérie, Tunisie et Maroc) a profondément été marqué par son passé colonial. Dans la lutte contre l’oppression coloniale et la poursuite de l’identité nationale, la création littéraire était considérée comme une arme du mouvement de libération nationale par de nombreux écrivains nord-africains, en particulier les femmes écrivains. En conséquence, la littérature féminine contemporaine de la région est également une des caractéristiques du mouvement postcoloniale. Parmi eux, Assia Djebar, connue sous le nom de « Mme Maghreb », est une représentante importante de ce groupe. A partir de son expérience personnelle et de sa perspective féminine, ses œuvres montrent la lutte acharnée des femmes arabes en Afrique du Nord pour restaurer leur droit à la parole, lutter pour la liberté et reconstruire leur identité dans un contexte postcolonial. Assia Djebar est un exemple éloquent de ces femmes arabes en recherche d’émancipation et voulant s’exprimer par l’écriture. Vaste est la prison écrit en 1995 est illustratif de l’œuvre littéraire de Djebar : celle d’un style littéraire autobiographique, visant à décrire des phénomènes collectifs.
I. Introduction
Le terme Maghreb provient de l'arabe Maghrib qui désigne le couchant, l'ouest, l'occident, en opposition au Mashriq, le Levant, c'est-à-dire « l'Orient », qui s'étend de l'Égypte à l'Irak et à la péninsule arabique. Le Maghreb francophone se réfère spécifiquement aux trois pays : l'Algérie, le Maroc et la Tunisie. Le but de cette partie sera de présenter le rôle de la colonisation Française ainsi que son impact sur la production littéraire Nord-Africaine.
I.I. La culture pré coloniale
L’année 1830 marque le début de la colonisation Française de l’actuelle Algérie, et par la suite de l’Afrique du Nord. Cette période aura impacté de manière significative l’histoire multi séculaire des différents peuples, dont la culture Berbère était la plus largement appropriée. L’occupation de la région par la France aura contribué à une rupture majeure des populations indigènes aussi bien d’un point de vue linguistique que culturel. L’enseignement du Français, ainsi que l’import de la littérature Française dans les colonies a contribué à l’émergence de nouveaux auteurs, voire de nouvelles influences littéraires, créant ainsi une tradition littéraire mélangeant Français, Arabe et Berbère. Les peuples colonisés ne voulant pas perdre leurs traditions ont à de multiple reprise appelé à l’indépendance de leur nation. Après la Seconde Guerre mondiale, des soulèvements armés pour l'indépendance nationale ont commencé violemment, la Tunisie et le Maroc ont accédé à l'indépendance en 1956 L'Algérie a rompu avec la France en 1959 et s'est engagée dans sa propre voie d'indépendance pour à son tour obtenir son indépendance en 1962.
I.II. La littérature francophone dans le Maghreb
La littérature francophone maghrébine peut être divisée en deux catégories selon les régions : l'une concerne les auteurs d'origine maghrébine vivant en France, au Canada, aux États-Unis et ailleurs, y compris des exilés après l'indépendance de leur mère patrie. L’autre est la littérature domestique, créée par des écrivains vivants dans la région du Maghreb. Ces deux catégories auront donc une position différente vis-à-vis de la langue Française.
La littérature française maghrébine a commencé après les années 1920. A cette époque, il n’existait que la littérature du « genre nord-africain », qui été créée par des Français nés ou résidant au Maghreb. Nous pouvons entre autres distinguer certains auteurs comme Louis Bertrand et Robert Rondo, etc. La plupart d'entre eux observent la société maghrébine d’un point de vue Français, et leurs œuvres sont alors influencés par la vision colonialiste. Les œuvres littéraires écrites par les Maghrébins eux-mêmes étaient alors peu présentes. Ben Si Ahmed Bencherif (1879-1921), publie en 1920 chez Payot, le premier roman, Ahmed Ben Mostapha, Goumier, qui critiquait l’influence de la domination coloniale sur l’éthique sociale.
Après 1946, en particulier au début des années 1950, un certain nombre d'écrivains nationaux importants sont apparus en Algérie. Taos Amrouche est la première femme écrivain en Algérie. Elle a rédigé le roman Jacinthe noire en 1947 et l’autobiographie L'Amant imaginaire en 1975. Mohamed Dieb a commencé à écrire la trilogie « Algérie » : La Grande Maison, L’incendie et Le Métier à Tisser au début des années 1950, décrivant de manière réaliste la vie pauvre des travailleurs, et d’inciter à la lutte du peuple contre les colons. Le roman La Colline Oubliée de Mouloud Mammeri décrit la vie rurale en Kabylie pendant la Seconde Guerre mondiale. Le roman Le Sommeil du juste prend également sous les circonstances dans la Seconde Guerre mondiale, montrant l'éveil de la conscience nationale algérienne et critiquant le système colonial. L'écrivain représentant du Maroc de l’époque était Ahmed Sefrioui, son recueil de nouvelles La Chapelet d’ambre et le roman La boîte à Merveilles, exprimait ses sentiments du patriotisme romantique avec une forme semblable à celle des contes de fées. Le roman autobiographique Le passé simple de l'écrivain marocain Driss Chraïbi montrait la haine et la résistance de l’auteur à l’égard de la société islamique traditionnelle au Maroc et ce roman a un fort esprit de rébellion, qui a suscité une vive controverse en ce moment-là. Il y a également l’écrivain tunisien Albert Memmi, qui au travers sa création autobiographique La statue de sel exprime son expérience d’aller lui-même étudier dans un lycée français alors qu’il était adolescent. Il décrit une histoire d’une jeunesse qui se trouve à tiraillée entre deux cultures et qui peuvent difficilement se réconcilier. Ce roman révèle les conditions de vie de peuples opprimés par la colonisation française.
I.III. Littérature postcoloniale maghrébine française
La question de la langue est au centre de l'écriture postcoloniale. Située à l'extrémité occidentale du monde arabe et à travers la mer depuis l'Europe, la région du Maghreb en Afrique du Nord est multilingue, dont l’arabe, le berbère, des dialectes locaux, ainsi que le français, voire l’espagnol restent les langues parlées. Cet ensemble linguistique témoigne des diverses influences ayant eu lieu sur la région. Le berbère est la langue maternelle de la région. L'arabe est entré dans la région après le VIIème siècle après JC et s'est rapidement implanté avec la prolifération des immigrants arabes et la diffusion de la culture arabo-islamique. La langue parlée et écrite a remplacé le berbère et a occupé la position dominante. Le français a commencé à envahir au XIXème siècle, s'appuyant sur la politique coloniale culturelle française pour avancer pas à pas, de sorte que les trois gouvernements maghrébins de la période postindépendance (après les années 1960), tout en promouvant vigoureusement l'arabisation, ont conservé le statut du français en tant que langue commune.
En raison des différents degrés d'influence de la langue française, les caractéristiques de développement de la littérature maghrébine sont effectivement différentes. Cependant tous les pays n’ont pas été influencés au même degré.
A titre d’exemple, pendant l'occupation française de 1881 à 1956, le processus d’assimilation française en Tunisie n’a pas interrompu l’utilisation de l'arabe, aussi fortement que dans les autres pays. Ce qui aboutit à ce que la littérature tunisienne moderne et contemporaine soit principalement écrite en arabe, ce qui n’empêche néanmoins pas les écrivains d’également publier des œuvres en français en raison de divers facteurs.
Le Maroc est devenu un protectorat français en 1912 et a obtenu son indépendance en 1956. En raison de l'effet bidirectionnel de la politique coloniale française, après la fin de l'ère coloniale, le Maroc était encore un pays arabo-berbère. Le français était populaire parmi les classes privilégiées et de nombreux écrivains marocains bien connus venaient de cette catégorie sociale. Bien que la création de la littérature française au Maroc ai montré un bond en avant global jusqu'aux années 1980, elle a en fait entravé le processus d’institutionnalisation de la langue arabe.
L'Algérie est devenue colonie française à partir de 1830, et a obtenu son indépendance en 1962, ce pays est sans aucun doute la « zone la plus durement touchée » par l'agression culturelle française. Depuis le début de la colonisation, la France s'est engagée dans la « désarabisation » de l'Algérie et a promu la politique d'assimilation française dans divers domaines. En conséquence, la jeune génération d'écrivains après l'indépendance comprenait à peine l'arabe, mais maîtrisait le français, connaissait la littérature française, son idéologie et sa culture, et ne pouvait pas facilement changer face au mouvement de la langue arabe à grande échelle. Selon les statistiques, « dans les romans tunisiens et marocains créés de 1945 à 1972, le nombre d'œuvres françaises et arabes était de 35 : 21, et en Algérie il était de 14 : 3 ». De plus, de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années 1990, un total de 1 146 créations de langue française ont été publiées au Maghreb, dont 438 romans, et l'Algérie a dominé la liste avec 305 romans de langue française.
En tant que femme de lettre algériennes d'expression française, Assia Djebar est considérée comme l'un des écrivains les plus remarquables d'Afrique du Nord. Ensuite, nous allons discuter du féminisme postcolonial et de l'écriture interculturelle des femmes arabes à travers l'analyse du travail d'Assia Djebar—Vaste est la prison, mais cette étude concentre plutôt sur les problèmes linguistiques qui intéressent les théories postcoloniales et analyse sa réflexion et sa pratique approfondies dans la création de la langue de l’auteur en utilisant des conversations des personnages.
II. Assia Djebar et vaste est la prison
Assia Djebar est un pseudonyme, son vrai nom est Fatima-Zohra Imalayen, née le 30 juin 1936, romancière, traductrice et réalisatrice algérienne. La plupart de ses œuvres reflètent des différents obstacles rencontrés par les femmes. Elle est connue pour sa forte position féministe. Elle est née dans une petite ville près d’Alger, a suivi une éducation française depuis son enfance, elle a fait son étude à l’université à Paris, la spécialité est l’histoire. A la fin des années 1950, en réponse à l’appel du mouvement de libération nationale, Djebar a participé activement à la manifestation de classe des groups étudiants musulmans algériens, et en a profité pour publier son premier roman Le Soif. Afin de ne pas déranger sa famille, elle s’est donnée le pseudonyme d’Assia Djebar, qui signifie « consolation » et « intransigeance », entamant ainsi une carrière de création littéraire féminine libérée du nationalisme et du colonialisme.
Après l’indépendance de l’Algérie, Djebar est retourné en Algérie et a enseigné au département d’histoire de l’Université d’Algérie. Dans quelques années, elle a fréquemment voyagé entre l’Algérie et la France jusqu’aux années 1990, elle est partie aux États-Unis. Ses réalisations littéraires sont remarquables. Ses œuvres ont été traduites en plus de 20 langues. Elle a remporté successivement Neustadt International Prize for Literature ; Prix de Marguerite Yourcena ; Prix de la paix des libraires allemands, etc. En outre, elle a été sélectionnée à plusieurs reprises comme candidat pour le prix Nobel de littérature.
II.I. Caractéristiques de l’écriture de Assia
En tant qu'historienne, Assia Djebar s'intéresse à la manière de reproduire l’histoire moderne de l'Algérie dans sa création artistique ; En tant que féministe, elle se concentre naturellement sur l'exploration du rôle des femmes dans cette période de l'histoire, et la construction de l'identité de genre des femmes algériennes à travers la narration historique artistique ; En tant qu'écrivain français postcolonial, en utilisant la langue du pays souverain d'origine lui a fait rencontrer une situation ambiguë, fumeuse et presque embarrassante, c’est un «dilemme linguistique».
1. Changement de langue
Djebar a d’abord écrit en français et a ensuite décidé de passer à l’arabe, mais après une tentative infructueuse, elle a de nouveau écrit en français. Son retour au français n’était pas simplement une conversion d’une langue à une autre. La langue comme moyen de pouvoir, son rôle clé est d’exiger l’écriture postcoloniale pour maîtriser la langue du centre impérial et la remettre à un discours pleinement adapté à la colonie pour se définir soi-même. L’idée créative d’Assia est de tirer pleinement parti de sa particularité de femme et de minorité et d’utiliser les stratégies de transformation linguistique correspondantes pour former une langue hybride. Tout en essayant de briser le système linguistique du français standard, elle a utilisé d’autres langues comme support pour atteindre l'objectif de reconstruction de l'identité des femmes de l'ethnie. Les éléments de ces stratégies de transformation linguistique proviennent de la langue de sa patrie--l'arabe, de la langue d'origine de la nation--le berbère, de l'héritage littéraire oral traditionnel de la nation, et du langage féminin.
2. Combinaison de roman et de peinture
A l’exception de la considération et du polissage du langage, l’écrivain a tenté également de retrouver des femmes qui ont disparu des marges de l’histoire et de la société à travers le mélange des contenus d’écriture, de sorte que la voix silencieuse depuis longtemps émettait un désir de liberté et de libération. Dix ans après avoir arrêté d’écrire, Djebar revient dans le monde littéraire avec son roman Femmes d'Alger dans leur appartement. Le roman reproduit la situation des femmes algériennes vivant avant, pendant et après de la guerre de libération nationale sous la forme d’un dialogue de rappel et de reconstruction. Ce retour est également devenu un tournant dans sa création littéraire en raison de sa combinaison d’écriture et de peinture. Le motif de ce roman découle de la peinture, cette création est également le reflet et la réponse de l’auteur après avoir regardé le tableau.
3. Restauration de l’identité féminine par l’histoire réécrite
La littérature des femmes postcoloniales est efficace pour capturer les changements dynamiques et utiliser souvent la réécriture historique pour trouver des femmes perdues, permettant aux femmes derrière le rideau qui peuvent avancer sous le soleil, ces romans intègre les slogans de libération des femmes et lutte pour la liberté dans les préoccupations concernant le destin du pays et de la nation. Dans ce processus, les femmes sont entrées dans l’histoire national en tant que héroïnes, cette identité n’est ni inférieure aux femmes occidentales ni inférieure aux hommes nationaux.
Le roman publié en 1985 L’amour, la fantasia est un ouvrage intégrant histoire, récit autobiographique, fait et imagination. Par la réorganisation des ressources historiques et la recréation de l’intrigue, l’Algérie dans le roman se transforme en femme. Djebar décrit la relation de confrontation entre l’Algérie et la France comme « un coup de foudre », « un viol ». Elle a utilisé des méthodes historiques et des rimes littératures pour rechercher les traces de femmes oubliées dans des documents censés avoir enregistré la « vérité », essayer de capturer des témoins oculaires féminins d’événements de cette histoire d’amour et de haine. Sous le contexte de l’histoire de l’occupation par la France, à partir du point de vue des femmes, afin que les femmes algériennes cachées derrière la guerre soient portées au premier plan de l’histoire, exprimant leur désir de s’écrire dans la mesure possible. Dans ce roman, Djebar a également cédé le droit de parler à ses sœurs, et a enregistré leurs histoires, elles ont combattu les ennemis, se sont aidées l’un et l’autre dans le processus de l’anticolonialisme. Elle a utilisé la manière d’enregistrer les mots ordinaires des femmes pour éclairer la voix inouïe, et a pratiqué l’intention originale, soit écrire pour toutes les femmes qui sont incapables de s’exprimer.
II.II. Étude brève de Vaste est la prison
La technique d'écriture de l'imbrication de la mémoire personnelle et de la mémoire collective est pleinement utilisée dans le semi-autobiographique Vaste est la prison du travail de Assia Djebar. Le nom de ce roman vient d'une ballade berbère avec de nombreux dialectes berbères entrecoupés dans le texte. Vaste est la prison a été salué par le Times Book Review de Los Angeles comme « un roman plein de lyrisme, écrit par un leader devenu la voix de la littérature algérienne en s'appuyant sur ses romans, poèmes et films ».
L'écriture devient arme et refuge pour les opprimés dans ce roman assez intelligent et complexe se déroulant dans une Algérie tragique et charmante. L’héroïne de ce roman s’appelle Isma, 36 ans, mariée, commence son histoire l'été où elle est tombée amoureuse d’un étudiant. Exprimant l'amertume d'être prise entre les cultures islamiques traditionnelles et européennes modernes, elle est musicologue bien éduquée, Isma est également régie par la tradition islamique. Lorsque son mari, Léo, découvre sa déloyauté, il la bat, tente de l'aveugler. Ce fait marque le réveil d'Isma et le début de sa recherche d'une véritable indépendance, bien qu'elle reste plus longtemps avec son mari. Quand elle le quitte enfin, elle se lance dans un projet de film semi-documentaire, qui s'appellera Femme Arable. En mêlant ses expériences dans les montagnes de filmer des paysannes avec des souvenirs de son enfance et des histoires sur ses ancêtres et ses proches, Isma montre des images complexes et des sentiments.
L'histoire qu'elle a créée est détaillée et belle, ce roman est devenu une histoire émouvante d'exil et d'emprisonnement. Djebar a obtenu le Prix Neustadt pour sa contribution à la littérature mondiale en 1996. Il était doué pour raconter des histoires « libérées et silencieuses » sans éthique ni jugements sévères.
1. Perspective du récit à la première personne
Le livre utilise « échapper » comme thème principal. La première partie du roman raconte comment une femme intellectuelle d'âge moyen a échappé à un mariage sans amour du point de vue du récit à la première personne. L'article rappelle « je » sur un coup de tête lors d'un concert en plein air sur la plage, imaginant « le genre de rythme des villages, des plateaux ou des profondeurs d'Afrique, dansant les danses rituelles folkloriques que je danse habituellement avec mes compagnons. » Cette danse ne nécessite pas d'accompagnement supplémentaire, elle s'adapte au rythme du corps, « Le secret du corps et son rythme spontané, la texture douce et lisse à l'intérieur du corps, dans l'obscurité, dans le vide, la musique m'a inspiré à danser seul ». Ce genre de danse avec l’oubli de soi a donné au « je » une chance d’avoir la libération de la personnalité, et a également fait « je » rencontrer un jeune amant. « Je » considère cet amant comme « l'autre », essayant de se trouver un autre moi dans le reflet de ses yeux.
2. Récit fragmenté
Dans la troisième partie du roman, Assia Djebar raconte plusieurs histoires, Par exemple, elle a raconté comment une mère surmonte les obstacles et parcourt des milliers de kilomètres pour rendre visite à son fils emprisonné par des colons français ; comment une grand-mère quand elle avant 14 ans qui a été forcée de se marier, ensuite a échappé à son mariage précoce et a courageusement recherché le bonheur ; et le récit de l'auteur sur son adolescence. Le texte est entrecoupé du résumé d’expérience de romancière sur sa carrière de création cinématographique. Elle pense d’avoir acquis un « regard » féminin à travers la caméra, c'est un signe important de résistance. Et le pouvoir de « regard » vient du collectif, il passe par le mur de séparation de la société traditionnelle conservatrice et dévoile le mystère des femmes algériennes, leur permettant de voir la lumière. Djebar a gagné en confiance grâce à la création cinématographique. Dans la création littéraire, elle a transformé les techniques de conversion d’objectif pendant le tournage en récit fragmenté, ces fragments ont généralement reliés de manière à entrelacer les individus et les groupes. En juxtaposant histoire et réalité, individu et collectivité, l'auteur souligne que l'initiative individuelle des femmes du tiers monde est étroitement liée au collectif, car elles ont un destin commun.
Le féminisme postcolonial résistant croit que le patriarcat et le discours colonialiste ont construit les femmes du tiers monde comme l'autre, les faisant être supprimées, dissimulées et éliminées dans l'histoire. Pour s'opposer à diverses formes d'oppression, il est nécessaire que les femmes s'unissent et exercent une force collective à différents niveaux et à différentes époques. Parce que « l'identité d'une femme n'est pas seulement une femme, elle appartient également à une certaine classe, vient d'une certaine nation et a sa propre expérience de vie ». C'est aussi ce qu'Assia Djebar a véhiculé à travers sa stratégie d'écriture.
3. Langue féminine
Le roman insère une légende sur une reine avant le début de la troisième partie. Elle était à l'origine une reine de la tribu berbère du nord au 4ème siècle après JC, et son évasion à travers l'arrière-pays du Sahara est un beau mythe. En 1925, les orientalistes ont fouillé sa tombe lors d'activités archéologiques et ont trouvé des sculptures en pierre écrites dans l'alphabet berbère Tivnag. Ce type d'écriture a été hérité par les femmes lorsque les hommes se sont battus sur le champ de bataille dans les temps anciens. Il est aujourd'hui presque éteint, mais il est encore faiblement visible dans les idiomes des femmes contemporaines. Par conséquent, Assia le considérait comme une « langue féminine »: « Notre texte le plus mystérieux, tel que l’étrusque ou l’ancien texte nordique, mais contrairement à ce dernier, il est encore plein de voix, avec le souffle d'aujourd'hui, c'est l'héritage d'une femme du désert le plus éloigné. » Elle espère faire revivre le passé en explorant l'histoire de la langue.
4. « Algérienité »
L'écriture de Vaste est la prison a coïncidé avec la période imprévisible de la situation intérieure de l'Algérie, qui a incité Assia Djebar à réfléchir plus profondément au passé, aujourd'hui et à l'avenir de la patrie, la langue est toujours le point de départ de sa réflexion. D’après elle, l'Algérie a connu la joie et la peine au cours de la longue histoire humaine, mais son avantage réside précisément dans l'ouverture de la langue, de la culture et des idées provoquée par l'expérience historique diverse et riche, elle a résumé par « l'algérienité ». A ce point, les écrivains célèbres comme Albert Camus, Jacques Derrida, Hélène Cixous, Franz Fanon, etc., ont une expérience de croissance ou de lutte algérienne, ainsi que la première génération d'écrivains français algériens remarquables tels que Mohammed Dib et Khatib Yassin ont apporté des contributions historiques. La guerre d'indépendance menée par le «Front de libération nationale» (FLN) en 1962 a réussi à libérer l'Algérie de la domination coloniale française, mais la politique d '«arabisation» ultérieure basée sur «l'identité algérienne» a été mise en œuvre dans une certaine mesure s'engageant dans l'incompréhension de la décolonisation, l'idéologie et la culture algériennes perdent peu à peu leur créativité. Au début des années 1990, lorsque le radicalisme religieux est arrivé au pouvoir, l'accent mis sur « ajuster les racines et clarifier la source » a poussé à la fermeture de l'idéologie et du système de discours algériens.
L'Algérie a une riche histoire de langues à part du berbère. C’était d'abord le latin, jusqu'à l'époque des Augustins ; puis c'était l'arabe classique au Moyen Âge ; puis c'était le turc à l'époque ottomane ; après 1830 c'était le français, qui progressait tout le long de la colonisation ; maintenant, c'est l'arabe moderne comme langue nationale unifiée. Partant de ses sentiments et de sa réflexion sur la langue depuis des années, elle utilise la langue comme position pour défendre la diversité. Elle estime que l'écriture et la lecture en français, en arabe ou en berbère contribuent à élargir les frontières intérieures d'une « nouvelle » Algérie. Au contraire, si les gens rejettent les langues minoritaires telles que le français et le berbère, et dominent l'arabe conduira à l'auto-proclamation. En conséquence, la création française de l’écrivain a acquis une nouvelle connotation de résistance dans le contexte du postcolonialisme. Au début, elle a eu la pensée anticoloniale, et puis elle s'est transformée en remise en question et en résistance à l'exclusivité officielle dans le processus de décolonisation.
II.III. Écriture autobiographique postcoloniale
En parlant d’autobiographie, le mot se compose de trois racines latines : auto(soi-même) ; bio(vie) ; graphie(écriture), nous pouvons voir, tous réunirent ensemble, c’est une personne qui écrit sa propre vie. Concernant les romans de Djebar, bien qu’ils soient écrits dans leurs propres expériences de la vie réelle, ils sont différents de l’autographie dans la définition occidentale traditionnelle. L’autographique fait référence à un récit rétrospectif qui écrit en propre lorsque quelqu’un met principalement l’accent sur sa vie personnelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité. L’écriture de l’auteur allie l’identité collective des femmes et le style d’écriture autographique d’individus occidentaux. Ses œuvres ont tendance à être des récits autobiographiques, c’est-à-dire des romans basés sur son expérience personnelle, mais elle les a traités artistiquement.
La propre description de Djebar est apparue pour la première fois dans un ouvrage Les Alouettes Naïves publié en 1967. Au début, elle a pris le pseudonyme pour se cacher le plus possible, mais dans ce roman sur le sujet de la guerre d’Algérie et la libération des femmes, son écriture hardie personnelle a apporté un grand choc et une grande influence sur le monde extérieur et sur elle-même à cette époque-là. Elle a commencé à résister à l’autobiographie, elle a arrêté d’écrire pendant dizaine années après la publication de cette création. Jusqu’à l’année 1980, Djebar a retrouvé le courage de recommencer son écriture. Elle a dit une fois dans une interview : « en fait, Vaste est la prison, ce livre répond à des questions, qu’est-ce que cela signifie pour moi en tant que femme ? Que signifie être une écrivaine algérienne ? »
Djebar a combiné l’authenticité de l’autographie avec la fonctionnalité de l’histoire, plaçant la voix individuelle dans la voix collective féminine, et choisissant une expression qui lui permet de créer dans une espace libre en réduisant le sentiment de trahison envers la société musulmane pour surmonter les obstacles de la liberté d’opinion des femmes arabes. Dans ses œuvres, elle choisit non seulement les dialogues des autres pour exprimer les contradictions des femmes dans sa propre expression, mais utilise aussi habilement la technique d’écriture des « entre-deux ». Elle a parfaitement capturé les demandes des personnages au milieu de plusieurs cultures, de multiples langues et de multiples histoires, a exprimé leurs propres contradictions. Cela a donné la tension et vitalité aux personnes dans les fissures sociales. L’auteur est empêtré d’écrire en français ou en langue traditionnelle, ce qui a créé ce type de technique d’écriture « entre-deux ». D’ailleurs, ce style créatif est aussi reflété dans une certaine mesure dans la forme et le contenu. En termes de forme, Djebar a délibérément mêlé l’expérience personnelle à des événements historiques comme décrit le texte ci-dessus son roman Vaste est la prison. Elle a relié réalisme et fiction pour trouver l’espace expressif de la voir féminine entre individuel et collectif, entre monde virtuel et réalité. En termes de mise en scène, la plupart de ses personnages ont vécu dans le fossé entre deux langues et cultures, entre la France et l’Algérie.
Par conséquent, Djebar a réussi à briser l’antagonisme du genre, de la région, de la culture et de la langue en organisant soigneusement la structure et le contenu du roman, et avec l’aide de l’écriture autographique de l’identité collective. Elle a trouvé le moyen de libérer les femmes de la nation dans l’écart étroit.
Conclusion
Après avoir connu l’épreuve de la domination coloniale, de la libération nationale et de changements sociétaux, la région du Maghreb s’est progressivement engagée sur la voie de la reconstruction spirituelle et culturelle durant toute la période postcoloniale. Les écrivaines nord-africaines francophones, dont Assia Djebar, ont bravement brisé les barrières de l’écriture féminines et ont hardiment et ce sont attelé à des sujets d’écriture traditionnellement masculins. Ce renouveau permet ainsi de ré affirmer la position de la femme dans une société réputée à la fois patriarcale et marquée par le poids de la colonisation. En tant que figure emblématique des femmes arabes en Afrique du Nord, Djebar a achevé une écriture d’inspiration autobiographique et à vocation collective. Djebar s’exprime ainsi sur le point de vue que peuvent avoir les femmes Maghrébines sur l’émancipation qu’elles peuvent avoir dans un monde enfin indépendant de l’oppression coloniale.
L’écriture dans la période postcoloniale est donc un moyen d’expression et de construction de soi dans un langage qui n’est pas forcément celui de l’auteur. Bien évidemment, la pratique littéraire d’Assia Djebar réussit. Son style reflète parfaitement ses origines Berbères, mais son écriture s’inscrit dans le contexte des études postcoloniales dans toute la littérature africaine. Concernant la fluctuation rencontrée au cours de sa création littéraire au niveau de langue, Djebar a conclu : « En tant qu’écrivain, j’ai constaté que ces 30 dernières années, j’ai toujours été entre deux langues, dans un « pitching de la langue ». Cela détermine tout, même là où je vis. J'ai fait des allers-retours entre la France et l'Algérie, je ne sais pas quel chemin à avancer, quel chemin à conduire, quelle langue à prendre. Pour tous les immigrés, le retour, retour dans le passé, retour à leur langue maternelle, retour à la langue des mères « sourdes-muettes » c’est impossible de retourner, c’est contraire à la réalité ». Cette route vers le succès est sans aucun doute tortueuse, mais peu importe où elle va, elle a fourni un modèle à étudier pour la stratégie langagière de l'écriture postcoloniale.
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